Le titre est énigmatique, laissant croire à des aventures animalières début du XXème siècle, où les illustrations venaient résumer un texte que l’enfant n’avait le courage de lire.
Rien de tout cela ici, un perroquet agressif, des graffs, des tags nous ramènent dès la couverture à aujourd’hui. Pia Petersen, auteure engagée dont les multiples facettes de son talent – à mi-chemin entre les sciences humaines et sociales, le roman noir, la philosophie et une anticipation prophétique – éclate de publication en publication tel un ovni dans le firmament de la littérature.

Histoire d’amour, mathématiques et algorithmes, activisme artistique, critique du pouvoir, Pia Petersen dénonce la manipulation d’une société (la nôtre ?) asservie, aveuglée par le confort de l’abandon du libre arbitre et de notre liberté.
L’auteure dresse un portrait terrifiant et banal d’un monde en voie de perdition, où règnent dans la Silicon Valley des jeunes tout-puissants qui en vieillissant n’ont gardé de leur jeunesse, que les soubresauts hormonaux et géniaux d’un monde sans conséquences. La puissance du web renverse ses créateurs, une disparition et l’amour devient le détonateur de cette révolution, alors que le tableau se modifie selon les émotions de son sujet en un jeu démoniaque tel le portrait de Dorian Gray, frère jumeau de nos peurs et du ravage de ce pouvoir absolu, souterrain qui rôde et peu à peu nous encercle.
En deux longues années de confinement, nous avons vécu une auto-prison dont nous sortons à peine, non dans le monde d’avant, notre monde, mais celui d’un virus tout-puissant capable d’immobiliser une planète, avec lequel il faut désormais apprendre à vivre.
Construit en de courts chapitres aux titres aussi absurdes qu’énigmatiques, La vengeance des perroquets, alterne les réalités de tous les acteurs de ce drame iconoclaste, terrible et pourtant réjouissant.
Vous croyez savoir ce qu’est un perroquet ?
Ne cherchez pas dans une encyclopédie ou un dictionnaire, lisez le livre de Pia Petersen, au style limpide, acéré, et plongez-vous le temps de ces deux cent cinquante-deux pages, dans une fiction qui est déjà parmi nous.

Marie Louise d’Orcisto