Son style littéraire s'affirme
dès les premières pages de ses livres
BIBLIOBS
Janvier 2009
En a-t-on fini avec le nombrilisme en littérature française?
Il semblerait que oui et c’est une Danoise d’origine qui nous montre le chemin.
Avec son dernier roman Iouri, Pia Petersen explore cette frontière obscure entre notre liberté individuelle revendiquée à tout prix et l’acceptation de mesures sécuritaires et liberticides qui au contraire restreignent cette liberté. Au nom du bien-être de tous, et surtout de certains, on nous impose une surveillance accrue de nos faits et gestes et par le biais de la peur et la promesse d’une sécurité illusoire, nous sommes prêts à céder quelques pans de notre vie privée tout en ayant l’impression d'user de notre libre-arbitre et d’influer nous-même sur le choix de notre destin.
Iouri est un artiste qui s’engage dans une démarche radicale pour dénoncer un système dont personne ne semble réaliser l’enjeu. Au nom de la liberté, il constate que notre prise de conscience des sujets essentiels passe par «la visibilité par le sang» et que la lutte contre les différentes formes de terrorisme est une aubaine pour les adeptes du tout-sécuritaire.
Sans vouloir dévoiler ce roman qui vient de paraître, la narratrice qui observe Iouri n’est autre que sa compagne et c’est avec elle que nous plongeons dans le monde de l’art et que nous tenterons de comprendre le comportement de Iouri.
Pia Petersen interroge ici l’engagement politique de l’artiste, tout en explorant avec finesse les mécanismes du doute et de l’interprétation du réel.
Les quatre précédents romans de Pia Petersen nous ont permis de nous familiariser avec son regard décalé sur les questions de société et avec son style littéraire, qui s'affirme dès les premières pages de ses livres. Elle sait manier à la perfection le déroulement ou la structure de ses histoires et les différentes idées philosophiques qui se dégagent de ses textes.
Dommage que la francophonie ne reconnaisse pas les écrivains qui écrivent en français et qui ne sont pas issus de la communauté francophone, je parle ici des institutions, car ils ont le mérite d’écrire dans une langue qu’ils ont vraiment choisie et cet amour de la langue transparaît dans leurs livres.
Bravo pour ce livre qui renoue un peu avec l’engagement que bon nombre de nos intellectuels ont oublié ou perdu.
Iouri, Pia Petersen, Actes Sud.