Noces en bleu, blanc, rouge dans le monde de la culture

L'EXPRESS
Delphine Peras

Romancière, universitaire, réalisateur, éditrice, ils ont épousé la nationalité française. Un mariage de raison ou de passion. Pour le meilleur et pour le pire.
Itinéraires sans regrets.

L'écrivain danoise a divorcé de sa langue et de sa terre natale

Pia Petersen (49 ans) est née dans un pays où la liberté de pensée est une seconde nature: le Danemark. Mais, pour la romancière en langue française, c'est un leurre. Le danois, avertit-elle, est une langue horrible à l'oreille, elle a "le son d'une scie". Mais comment pourrait être harmonieuse "la langue de l'interdit, du politiquement correct, de la fermeture, de la prison"? La "novlangue" d'"un système totalitaire", où tout n'est que "simplification" et "absence de nuances"?

Le procès instruit par l'auteur de
Mon nom est Dieu est accablant. Le royaume de Hamlet serait-il aussi celui de 1984? Pia Petersen en est convaincue et elle a pris ses dispositions: elle a divorcé de sa langue et de sa terre natale. Rejeton de la social-démocratie et de l'Etat providence, adolescente, elle s'est mise à rêver en regardant aux actualités télévisées danoises les images de ces Français toujours en pleine manifestation.

Ce peuple en perpétuelle insurrection, insoumis, et toujours prompt à renverser la table, à argumenter jusqu'à en venir aux mains, à contester et à jouer avec les mots pour mieux chahuter la langue, quel bonheur ce doit être de vivre à ses côtés, pensait-elle. Des bacchanales au quotidien, l'anarchie joyeuse, sans doute. La jeune Pia, 16 ans, fait donc ses valises, débarque à Paris et apprend le français en déchiffrant à la Sorbonne les textes des philosophes.
Aujourd'hui, à l'instar d'Atiq Rahimi, elle écrit en français et elle est française, tout en gardant sa nationalité d'origine.

Être français, c'est ouvrir les portes sur l'ailleurs, jouer de son esprit critique, avoir le droit de dire non.
Pia Petersen, romancière

Du Danemark, elle a dû conserver le principe de précaution. Sans la certitude de pouvoir détenir une double nationalité, elle n'aurait pas sauté le pas, elle aurait refusé d'être seulement française, redoutant d'être réduite à une "catégorie", enfermée dans une prison mentale, "engloutie" par une identité morbide. Être française: la bonne solution, à condition d'être d'un autre pays. L'idéal de l'auteur de Passer le pont: sans doute, n'appartenir à personne, à aucun drapeau. La binationalité, pour elle, est la promesse d'une liberté, d'une échappatoire. Mais est-ce un rempart suffisant? Elle songe à acquérir une troisième nationalité: haïtienne. Toujours plus.