Un texte qui bouleverse,
qui touche, un cri du cœur

Mon coin lecture
Février 2014

Ce roman-lettre, c’est le premier auquel Liliba a pensé pour m’offrir un petit quelque chose lors de mon passage chez elle, alors que j’arrivais les mains désespérément presque-vides (shame on me… ça a été mon grand drame tout le temps de mon voyage, une petite visite aux urgences le 23 décembre ayant limité mon temps-shopping. Non, je ne suis pas du tout à la dernière minute!). C’est qu’après quelques heures à peine, nous avions déjà discuté à bâtons rompus de tout et de rien, y compris de la maternité.

Yep, je n’ai pas d’enfants.

Ce qui, pour plusieurs, fait de moi une personne étrange, qui n’a rien compris, et qui fait résolument pitié. J’ai l’habitude. Du coup, elle a tout de suite songé à ce texte pour moi. Et je l’en remercie beaucoup d’ailleurs.

Le principe de la collection me plaît énormément. On a demandé à des auteurs « Écrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite ». Pia Petersen écrit à un ancien amant qu’elle aime toujours, mais qui ne fait plus partie de sa vie. Et qui lui manque. Il n’a jamais écouté ses explications et par ce médium, elle va tenter de lui dire ce qu’elle garde en elle depuis des années.

Il s’agit ici d’une réflexion personnelle sur le féminisme et la maternité, telle que vue par notre société. L’auteure ne voulait pas d’enfant. Pas se marier non plus. Par choix, un choix qu’elle assume totalement. Elle a choisi d’être un être humain, de se définir ainsi, pas comme une femme et encore moins une femme qui procrée.

Un choix qui est souvent très mal perçu par la société.

Et savez-vous quoi? Les conversations qu’elle rapporte, je les ai entendues presque mot pour mot. The question : as-tu des enfants? La réponse : non. Et la question suivante, avec des airs ahuris : Mais… mais pourquoi??

Et moi qui est un peu sans mot. Parce que je suis obligée de m’expliquer. Parce que, systématiquement, on me prend en pitié. On me dit que je manque quelque chose. Que j’ai raté ma vie. Que je ne comprends pas la plénitude d’être femme. Que si c’était mes enfants, ce ne serait pas pareil. Que je vais vieillir toute seule. Que je ne peux pas comprendre.

Quand on a pas d’enfants, on n’a pas le droit d’être fatiguée parce qu’on se fait systématiquement dire « mais voyons, pourtant, t’as même pas d’enfants! ». Refuser une activité le soir, c’est sans excuse : « t’as pas d’enfant, pas de garderie… c’est plus facile pour toi! ». Aménagements d’horaires? On est moins prioritaires. Et si parfois, on en a un peu marre d’entendre parler de chaque symptôme de la grossesse des copines/collègues ou que si, des fois, on voudrait parler de d’autres choses que les enfants et la routine, ben c’est qu’on est jalouse. Forcément.

Et vous savez quoi? C’est tellement fort cette pression sociale que juste de s’admettre que non, finalement, on n’en veut pas d’enfants, c’est terriblement difficile. Ça nécessite une thérapie. Du moins, ça l’a été pour moi. Et je suis encore dans le peut-être.

Alors est-ce que Pia Petersen a des comptes à régler avec la société? Oui, forcément. Est-ce qu’elle est parfois agressive? Oui, certainement. Mais si je ne partage pas son extrémisme, si ses opinions ne sont pas toutes les miennes, je peux comprendre. Parce qu’à la longue, ça use. Croyez-moi.

C’est un texte fort, qui va faire réagir – négativement – plusieurs personnes car ça remet des choses qui sont prises pour acquis dans la société en question. Un texte qui bouleverse, qui touche, un cri du cœur et un plaidoyer du libre choix et de la différence assumée. Un texte très senti, fort bien écrit, où l’on ressent tout l’amour et l’incompréhension de l’auteur face à ce qu’elle a vécu avec cet homme. Mais plus qu’une histoire d’amour, ce texte mêle récit et essai.

Je reprocherais plusieurs redites, plusieurs répétitions surtout à la fin de l’ouvrage, un ton souvent un peu trop agressif pour mon goût mais surtout, une dichotomie un peu trop forcée entre les mères et les non-mères. Parce que même moi, j’ai trouvé ça fort et j’en connais des mères qui le voulaient vraiment, qui ne sont pas mères parce que la société leur impose mais parce qu’elles le veulent vraiment, qui sont épanouies et heureuses avec leurs enfants. Mais j’en connais aussi un tas d’autres qui ont des enfants parce qu’ils en étaient là. Parce qu’un moment donné, il faut faire des enfants. Je crois sincèrement que le message aurait été plus fort, moins vindicatif, si cet aspect avait été davantage exploité et explicité dans l’ouvrage.

Ceci dit, c’est un roman qui a mis des mots sur beaucoup de réflexions que j’avais déjà. Et qui me fait me sentir un peu moins « bizarre ». Non, ce n’est pas parce que c’est « moi » qu’on me pose ces questions, qu’on me dit ça… c’est tout le monde pareil. Et ça rassure. Un peu. Et je lirai forcément d’autres titres de la collection car je trouve l’idée géniale!