Dissonance sociale et résistance
ART SUD
Salvatore Lombardo
Avril 2004
Originaire du Danemark, l'écrivain Pia Petersen a fait de Marseille sa voie de garage, du Sud sa constante métaphysique, de l'écriture son arme fatale, de la philosophie sartrienne sa raison de vivre et de rêver encore.
Publié par Hubert Nyssen chez Actes Sud, son nouveau livre est un guide initiatique pour qui veut non pas trébucher en chemin, mais savoir pourquoi il trébuche. Parfois il discutait avec Dieu est ainsi l'itinérance picaresque et sombre d'un homme quelconque égaré entre ses origines et son destin. La société pour cadre imposé à un étrange et paranormal huis clos à ciel et cœur ouverts.
Il y a une histoire donc. Histoire d'un clochard, un SDF comme l'on dit désormais. L'un de ces exclus, hors de l'heure mais pas du temps, hors champ mais pas du cadre. Un homme qui compte sa petite monnaie pour s'offrir un chocolat et un coin de bistrot. Un homme qui sait, qui se souvient, qui imagine, qui voit, qui marche, qui souffre du froid du ciel et des gens. Un homme, sale, puis une femme, vulgaire. Et toujours le bistrot, artefact humble d'une société implosée par l'accessoire érigé au rang des priorités existentielles.
La ville chaude - Paris -, l'angoisse familière, la nuit attendue et détestée, la puanteur de l'époque et celle du corps-compagnon familier, le métro-asile et ses nouveaux sièges anticlochards sur les quais déserts du soir venu si tôt, le refus des journaux et la soif des livres, les noms qui changent, son nom à lui oublié, l'abri de nuit, la soupe populaire, les connaissances, les flics, les trottoirs, les arbres, la pluie, le froid, la vie. Prendre alors son petit carton et mendier quelques sous, quelques mots peut-être ou pas.
Pia Petersen connaît Paris, et surtout la vie. Son roman échappe au romanesque. Son français est neuf, imaginatif, puissant, rugueux parfois, juste, juste. Juste jusqu'à l'excès.
La vie de merde. L'histoire d'amour. La mort même. Tout pue la pisse. Et les virgules poussent à la roue autant que les mots pour les maux.
Pia Petersen sait ce que résiste-écrire veut dire. Encore. La lire c'est espérer encore un peu plus loin...