Une formidable histoire d'amour
DES LIVRES AUX LÈVRES
Brice Homs
Novembre 2022
L’homme est dans une cellule. Il ne sait pas pourquoi il est là, ni où il est, ni ce qu’on lui reproche. Le gardien ne lui dit rien. Il est enfermé. A l’intérieur. Emma, elle, est enfermée à l’extérieur. Elle sait pourquoi elle est là, la pandémie. Et dans une autre sorte de prison, le confinement. Une heure par jour seulement pour sortir avec une attestation. Comme la promenade du prisonnier dans la cour.
En faisant le parallèle entre les deux privations de liberté, Pia Petersen, dessine en noir les contours d’un monde où les libertés sont de plus en plus contenues. Les contenants en sont autant de prisons. De pierre ou de virus.
Au travers de ce jeu de miroir, qui va se révéler bien plus qu’un reflet, elle interroge notre présent et surtout son «à venir» immédiat. Car ce qui vient est déjà là. Que sommes-nous prêts à accepter quand les algorithmes qui auscultent nos smartphones savent tout de nous, quand les intelligences artificielles conditionnent nos choix? De quoi sommes-nous encore libres? La réponse ne peut venir que de deux formes de rebellions ultimes: l’amour et l’art. Et l‘amour de l’art. Et l’amour de l’amour, qui va fédérer partout dans le monde des «artivistes» prêts à se risquer à la liberté.
Pia Petersen croit à la puissance du commun. De tous ces «je» qui se rassemblent pour faire un «nous» dans un monde qui isole de plus en plus. Dans son précédent roman, le très steinbeckien Paradigma, les sans-abris se rassemblaient pour marcher sur Hollywood. Ici, les artivistes se retrouvent sur internet pour s’opposer à l’emprise des nouveaux pouvoirs qui séparent pour mieux contrôler.
Mais c’est surtout une formidable histoire d’amour, charnel et absolu, entre Emma et Achille, que délivre ici, au sens propre du terme, Pia Petersen. Voilà la supériorité inaliénable de l’humain sur la machine. La condition de sa liberté. Et la force de ce roman mené cœur battant de Los Angeles à Paris. City of angels. City of lights. Surtout les lumières. Et toujours l’amour.