Il est nécessaire de penser notre époque

EXPRESSION D'EXCEPTION
Juillet 2013

L'histoire se déroule à New-York... et ce vert fraîcheur ne convient pas parfaitement à la canicule ambiante qui ouvre le décor! Ni à mes attentes... Je me suis trouvée plongée, noyée, dès les premières lignes dans une ambiance que je déteste! La remise d'un prix (le prestigieux International Book Prize) à un écrivain qui a gagné une popularité certaine (Gary Montaigu), ceci dans un décor d'apparat surfait, si contestable de nos jours...

Très vite, cependant, je suis rentrée dans le récit et passé ce désagrément, j'ai dû fort au contraire apprécier avec quelle force l'auteure avait su m'impressionner, dans le sens sans doute voulu...

Cet écrivain a réussi... Il vend ses livres en quantité fort appréciable, est porté aux nues par ses lecteurs et le milieu, et grâce à ce prix, il espère enfin écrire son oeuvre: (...) écrire n'est pas seulement une litanie de plaisir mais une manière de communiquer avec le monde, de dire ou nommer l'univers, de voir les choses, d'analyser leurs liens, d'influer sur le monde et qu'il entendait le changer, le monde parce qu'il le fallait bien, non, le changer ? (...) Jésus, lui savait au moins ce que c'était que se donner, il croyait en la vie au point d'en mourir et le truc, c'est que quelqu'un l'avait écrit. Lui, Jésus, n'existerait pas sans l'écrivain qui l'avait mis en mots.

C'est sans compter sur les opportunistes, les tyrans ou les fous qui peuplent la terre, dont sa propre femme, un personnage cupide au plus haut point (et malheureusement fort réel...) qui l'embarqueront dans un projet de roman participatif dans le cadre d'un show de télé-réalité qui nous font plus que rire gras, et qui le conduiront à sa triste perte.

Gary Montaigu n'a rien d'un naïf (comme d'aucuns l'ont vu). Il s'apparente plutôt au lâche... Qu'il ait pu sincèrement penser au début de cette aventure avec espoir que l'essentiel était que la littérature retrouve un peu de vitalité, qu'elle se montre vraiment sur la place publique et qu'il se soit finalement décidé après avoir fortement hésité la littérature devait se renouveler, s'inscrire dans le monde, se mettre à jour. C'était le boulot des écrivains de trouver une solution ou de réinventer une littérature de souffle, de la grande littérature. Il fallait prendre en compte le spectacle, l'omniprésence d'Internet et la vitesse de toute chose, la fatigue des gens qui avaient besoin de détente, les confessions et l'ambition des écrivains de devenir quelqu'un, le plus souvent devant les caméras. Comme lui, d'ailleurs (...) ne peut effacer la considération qu'il faut être sans grande volonté pour accepter de tomber de déception en déception, (...) encore un débat. Les sujets variaient mais les débats se ressemblaient, les discours (...) ne disaient pas grand chose au final. Tout était question d'apparence et de communication et la communication n'était que de l'autopromotion sans aucune réaction, jusqu'à même devoir se voler du temps à lui-même!

L'auteur: Pia Petersen est née en 1966 à Copenhague. La vie de cette écrivaine d’expression française pourrait faire la trame d’un roman: la passion de l’Écriture et son avènement..

Son premier roman, Le Jeu de la facilité, est paru aux éditions Autres Temps en 2002. Aujourd’hui, il est suivi de près d’une dizaine d’ouvrages dont le thème porte sur les préoccupations existentielles de l'auteure: l’art et la société. Ses ouvrages sont considérés comme des peintures de la misère humaine.

Un écrivain, un vrai est son dernier livre paru aux éditions Actes Sud et l’unique œuvre de son palmarès que j’ai lue.

Son style clair, sans fard ni fioritures superflus, adopté dès l’origine selon la presse littéraire, est agréable. L’attrait réside dans la vivacité, le modelé animé des personnages, un décor vivant et aussi... le doigté sur les bonnes questions.

Point fort...
Une lecture agréable et utile. La littérature, c'est sérieux! Et avec clairvoyance, Pia Petersen montre, souligne, surligne... en nous invitant, à l'instar d'un nombre conséquent d'auteurs emprunts d'empathie et de conscience humaine à considérer qu'il est nécessaire de penser notre époque...

Ce que j’ai le plus apprécié:
Ce livre est un complément agréable et généreux sur le sujet épineux de la littérature contemporaine. Déjà abordée sous l'aspect matériel (comme dans La Liseuse par Paul Fournel) ou traitée plus sérieusement et abondamment sous ses deux pôles, l'écriture et la lecture par Nyssen dans Lira bien qui lira le dernier, le plus de Pia Petersen: l'écrivain mis à nu...

Mon regret...
Un léger relativisme psychologique dans le tableau des personnages à l'instar des clichés traditionnels. Mais je suis gourmande... Et les génies ne doivent-ils pas fort justement se renouveler chez nos romanciers?
D'où après coup, il met venu que l'introduction était somme toute parfaite, nous inoculant, instantanément, le dégoût de la superficialité des décors et des masques ambiants...

Pour être complète, on peut être surpris par la fragmentation du récit. Originale, on la suit, sans une certaine adaptation répétée. De même la forme du discours rapporté, choisie volontairement par l'auteure, plus comme une articulation dans le texte que pour sa portée significative, crée une certaine discontinuité.