Non lire ce n'est pas seulement se divertir c'est réfléchir aussi !

LES FACÉTIES DE LUCIE
Mars 2013

Un écrivain qui devient le héros d'une téléréalité et qui apparaît dans votre petit écran. La possibilité de voter pour influencer le cours de l'histoire qu'il est en train d'écrire. Vous aimeriez?

Gary Montaigu après avoir reçu un prix prestigieux, surfe sur la célébrité en acceptant d'être l'auteur qu'on filme H 24, espérant que la lecture entrera ainsi dans tous les foyers.

Loin de démocratiser la littérature, il en abaisse le niveau. Il vend son âme au diable et se perd dans de profonds abîmes poussé par une épouse qui rêve de gloire.

Voilà un roman cynique qui fait réfléchir à la place de la littérature dans la société d'aujourd'hui, à ce qu'écrire signifie et à quelles injonctions il faut se plier pour vendre et plaire.

Crions le haut et fort avec l'auteure: non lire ce n'est pas seulement se divertir c'est réfléchir aussi! Il ne s'agit pas d'augmenter le temps de cerveau disponible pour vendre des boissons à bulles...

Alors, messieursdames les auteur(e)s, continuez à nous faire chauffer les neurones, avec la plasticité qui est la leur ce serait dommage de ne pas en profiter. Ne cédez pas à la facilité d'histoires légères, la vie ne l'est pas et c'est tant mieux.

J'ai envie de croire que la littérature continuera à nous faire réfléchir et à nous refléter dans toute notre complexité d'humain.

Qu'elle restera le moyen de se révolter, de s'exprimer, d'exposer des points de vue différents.

Qu'elle ne se pliera pas aux diktats de l'audimat.

Ce roman est un manifeste pour une écriture libre et riche de sens.

Extraits parmi tant relevés:

Ecrire n'[est] pas seulement une litanie de plaisirs mais une manière de communiquer avec le monde, de dire ou nommer l'univers, de voir les choses, d'analyser leurs liens, d'influer sur le monde et [il entend] le changer, le monde parce qu'il le fallait bien, non, le changer? [...]

Jésus n'existerait pas sans l'écrivain qui l'avait mis en mots. Jésus était l'oeuvre des écrivains et qui oserait dire après ça qu'un écrivain était tout juste bon à fabriquer des scénarios à l'eau de rose? [ ...]

Les écrivains écrivaient le monde, en l'écrivant ils le formaient, le créaient à nouveau, lui donnaient des contours et que ça soit dit, s'il n'y avait plus d'écrivains, comment alors écrire le monde?

Il dit que c'était ça écrire, que par les mots il volait, il prenait de la hauteur, il entrait dans le vif de ce qui existait, que par la force des mots il irait au bout de l'univers, [...] qu'il fallait réapprendre à écouter, à écouter les autres et à aimer aussi parce qu'aimer comptait malgré tout, c'était le lien humain ultime et sans amour pas de monde.

Oiseau migrateur, il arpentait toujours la planète à la recherche de ce présent qu'il fallait sans cesse écrire, mettre en parole, recréer, se rappeler.

Il s'agissait de ça maintenant, d'exister et pour cela, il fallait passer à la télé, il fallait être une star.

L'esprit critique n'est plus possible, remplacé par j'aime, je partage, il se demande si cela sert encore à quelque chose d'écrire. A une époque, il pensait que la littérature contribuait à la construction de la société, qu'elle apportait une vision des choses. Elle était cet intervalle où il était encore possible de penser en continu, avec un fil conducteur.

Il leur demanda s'ils lisaient des livres mais ils ne dirent rien, ils l'observèrent juste. Non ? C'est bien ce que je pensais. Vous pouvez regarder mon roman à la télé. On n'a plus à sembêter à lire. C'est le début du repos éternel pour le cerveau. Les grandes vacances.

Il songea qu'il aimerait vraiment écrire seul, sans participation, sans pression mais peut être que c'était un concept dépassé, écrire.

Les écrivains sont toujours compliqués mais malgré tout ils sont humains, ils sont comme tout le monde, mal foutus parfois.

L'avis de Clara qui vous invite à ne pas rater la rencontre avec ce livre, c'est un grand roman pour Charlotte, pour Cathulu une vision sans concession du monde de la littérature contemporaine et lisez donc le billet riche de In cold blog qui a aimé et partagé ce livre intelligent et incisif qui égratigne avec acuité notre société à l’heure des réseaux sociaux et de la prépondérance de l’image sur les mots… au-delà du seul cadre de la littérature.