Le monde cloche
LA MARSEILLAISE
Claudine Galéa
Février 2005
Parfois il discutait avec Dieu de Pia Petersen raconte l’histoire d’un clochard et la fin du langage comme lien social.
C’est le monologue d’un homme à la dérive. Rarement le terme monologue aura si bien collé à la peau d’un personnage. Le langage comme ultime compagnie, c ‘est au fond ce que met en scène Pia Petersen dont c’est le deuxième livre.
Le SDF change tout le temps de nom. N’ayant plus d’identité réelle, le prénom fonctionne comme un oripeau, une défroque. Qu’il s’appelle Théo, Hadrien ou Luka, il est dans une solitude si écrasante, abandonné au froid du cœur autant qu’à l’hiver parisien, que sa parole ne s’adresse à personne. Peut-être d’ailleurs qu’il ne prononce pas à voix haute ce qu’il dit, mais les mots dont il ne s’est pas encore défait – lien limite au monde extérieur – tournent dans sa tête. Les mots finiront par le quitter, lorsqu’ils ne donneront plus vie à rien.
La conversation, comme rempart à la folie, au suicide, au désespoir, sinon que reste-t-il à quelqu’un qui n’a plus de toit, de papiers et plus d’argent?
Croire dans les mots est pourtant encore une illusion, et c’est ce que le personnage du livre découvre. Lecteur de Diogène, philosophe cynique au sens premier du terme, il se défera de cette dernière croyance. Est-ce que les mots peuvent faire lien? Avec qui? D’une femme rencontrée dans la rue, il tombera amoureux. Ricanant du chaos, son bout d’âme tremblait. L’amour. Il ne savait plus si ça pouvait exister. Ils se parleront, elle l’invitera à boire un café, à faire une promenade. Et elle conclura le début de leur histoire par une phrase définitive J’aurais pu vous aimer.
Pas de pire trahison que le langage qui arrête, ferme, renonce, quand on croit qu’il ouvre, rapproche, adoucit.
L’amour ne peut pas naître du silence. La parole, c’est aussi la parole donnée. Ici c’est la dernière chose qui est reprise, et l’homme se tait.
Pia Petersen, d’origine danoise, a choisi de vivre à Marseille depuis quelques années. Son prochain roman paraîtra en 2005.