Un hymne à la liberté
et à l’amour aussi
SAB'S PLEASURE
Mars 2014
Cette lecture fut l’occasion de découvrir une maison d’éditions que je ne connaissais pas. Le principe de la collection Les Affranchis est à la fois simple et original: Écrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite.
Une chouette idée qui pourrait m’inspirer de nombreuses pages dans la mesure où mon interlocuteur ne me répond qu’exceptionnellement…
Pia Petersen donne ainsi la plume à une narratrice, écrivain de son état. Cette dernière s’adresse durant une petite centaine de pages à l’homme qu’elle aurait pu épouser si… l’homme qu’elle aime sur un mode désormais solitaire. Elle se pensait pourtant prête à accepter le mariage à l’église, malgré elle, juste pour lui faire plaisir. Mais cette ambiance de contes de fées peut donner à réfléchir…
Dans cette longue lettre de plusieurs jours ,elle cherche à instaurer une conversation vraie avec celui qui est maintenant comme un étranger amnésique, muré dans son silence, réfugié dans son absence. Elle lui rappelle cette belle complicité qui les réunissait lorsqu’elle était sa maîtresse.
Souvent il fallait faire vite, capturer beaucoup de temps, prendre une éternité sur un temps déjà compressé et se noyer l’un dans l’autre pour se remplir et être plus à ras bord pour tenir jusqu’au prochain rendez-vous.
Ces souvenirs sont l’occasion pour Pia Petersen d’aborder la question de l’adultère sous un angle assez nouveau, épuré de toute religiosité, de toute culpabilité morale. L’amour rime alors avec liberté, aussi paradoxal que cela puisse paraître, mais aussi respect. Elle aime, elle savoure, elle déguste, elle ne demande pas plus, elle ne menace jamais la position de l’Autre, de l’Epouse. Cet amour là n’est pas frustration, elle n’aspire pas à prendre la place de…L’espace de solitude qu’il suppose, lui permet au contraire d’atteindre une certaine forme de plénitude et de complétude, il lui permet de ne jamais s’oublier.
Au lieu d’appréhender le vide ton absence, je le remplissais en réalisant ma propre vie, mon travail d’écriture se confirmait de plus en plus.
Pia Petersen nous conduit ainsi à méditer sur le mariage, sur nos désirs de robes de princesse et de contes de fées. Est-il légitime de soumettre l’amour à un contrat? Ne court-on pas le risque d’une certaine claustrophobie? Elle nous entretient aussi de la maternité que l’on nous présente souvent comme l’unique voie de complétude. Épouser et enfanter relèvent-ils de l’évidence et plus encore de la nécessité? Ne s’agit-il pas d’instincts primaires, entretenus par nos cultures, nos sociétés et notre éducation, qu’il conviendrait, non pas de nier, mais au moins d’analyser. La femme crée en effet trop souvent son propre ghetto, les femmes mettent en place le modèle social dès les couches.
Rarement je me suis sentie aussi féministe qu’à cette lecture. J’ai longtemps pensé que le féminisme n’avait pas lieu d’être, tant cela allait de soi, du moins dans nos sociétés occidentales. Avec l’expérience, j’ai compris mes erreurs, mais j’avais toujours du mal avec un certain militantisme. Pourtant, comme Pia Petersen, j’ai beaucoup de mal avec les discours ambiants concernants la parité ou la mère écolo d’Elisabeth Badinter…
Le débat sur l’indépendance des femmes est réduit à n’être plus qu’un problème de droit à l’allaitement et de couches plutôt qu’une réflexion sur la liberté de choix réel…
Je n’adhère pas non plus au discours sur la supériorité de la femme et je ne confonds pas égalité et identité, similitude. J’aime une certaine galanterie, je revendique la féminité, je crois encore en l’amour mais je crois aussi profondément en mes possibles et en ma liberté.
J’ai donc trouvé dans les propos de Pia Petersen, le féminisme intelligent, clairvoyant et respectueux auquel j’aspire. C’est un féminisme qui va de soi, qui n’a rien de vindicatif, qui s’impose comme un hymne à la liberté et à l’amour aussi. C’est un féminisme qui invite chacun, homme ou femme, à aimer tout en s’aimant, à aimer tout en s’accomplissant.
Autant dire que je vais offrir ce texte à mes trois filles !